Cachez ces fesses que je ne saurais voir.
Je vais vous raconter une belle histoire.
L'histoire du Schweissdissi (le type qui sue).
En 1905, nos voisins helvètes chargèrent un sculpteur, un certain Fritz Beer,
de créer une statue, une allégorie du travail,
destinée à être érigée à l'entrée du nouveau tunnel ferroviaire du Simplon.
Mais cette oeuvre ne plut pas au commanditaire une fois l'oeuvre achevée.
4500 kg de fonte, 5,60 m de haut.
Que faire de ce tas de ferraille?
En 1906, à Mulhouse, la municipalité rêvait d'une oeuvre monumentale
pour décorer la place de la Réunion
où se trouve situé l'Hôtel de Ville.
Une grande fontaine de neuf mètres de diamètre y fut construite
et pour la surmonter on fit l'acquisition de cette statue orpheline
qui semblait être une bonne affaire.
Un homme en sueur, vêtu de son seul pagne,
le Schweissdissi (le type qui sue),
ainsi que le surnomma rapidement la population.
La municipalité était contente de son achat.
Elle fut donc installée place de la Réunion.
Mais, aïe, la gaffe;
un pagne cachait bien les attributs virils de notre bonhomme,
mais ses fesses étaient nues
et exposées aux pratiquants quittant le temple Saint-Étienne
également situé sur cette place.
D'où plaintes des utilisateurs du lieu de culte.
Qu'à cela ne tienne, le maire, conciliant,
la fit tourner d'un quart de tour...
Ce qui fit que la statue montra ses fesses aux élus et aux employés de l'Hôtel de Ville...
On pouvait la touner comme on voulait,
elle montrait toujours ses fesses à quelqu'un.
On décida donc trois ans plus tard de ne garder que la fontaine sur la place,
et la statue encombrante fut exilée au jardin du Tivoli.
On l'entoura de hauts bosquets sur la face arrière de façon à ne choquer personne.
L'histoire pourrait s'arrêter là,
mais... les soucis continuèrent pour le brave bonhomme.
En 1939 la guerre éclata
et les nazis déboulonnèrent le Schweissdissi pour en récupérer la fonte.
Heureusement pour le bonhomme,
Mulhouse n'avait pas fait une si bonne affaire qu'elle l'avait cru.
Car les tests effectués montrèrent que la fonte était de piètre qualité
et ne pourrait être utilisée pour la fabrication d'armes.
On laissa donc le travailleur en paix.
Il séjourna alors jusqu'en 1950 dans des ateliers municipaux
avant d'être de sortie pour une foire-exposition.
Et il y remporta un tel succès qu'on le replaça au jardin du Tivoli,
où il se trouve encore aujourd'hui, toujours entouré de hauts bosquets.
L'histoire du Schweissdissi n'est pas encore terminée.
En 1990, à l'occasion d'une animation de la ville,
il retrouva sa place d'origine, sur la place.
Mais pour ne choquer personne,
ou pour contenter tout le monde
(o tempora, o mores),
le problème de l'orientation ne se posa pas.
Le Schweissdissi fut placé sur un plateau tournant.
Ce n'est pas la Statue de la Liberté,
mais il a son charme le mâle.