Vous m'en voyez désolé.
Cet article n'est pas pour les jeunes filles.
Mais il va probablement faire rigoler les enfants.
Joseph Pujol.
Vous voyez de qui je veux parler.
Oui, voilà, vous y êtes..
Le plus fameux des pétomanes
que la France ait porté dans ses flancs.
Joseph Pujol est né à Marseille le 1er juin 1857.
Quelqu'un se rappelle des festivités spéciales
pour son 150ème anniversaire
l'année dernière?
Non, car personne n'a rien fait.
Tsss, tsss, tsss.
C'est à l'âge de 15 ans,
que, se baignant dans sa baignoire,
d'autres sources disent la Méditerranée,
il s'aperçut qu'il était,
pour utiliser son expression, un phénomène;
il pouvait aspirer de l'eau dans ses intestins.
Il n'en fit pas un cas mais cinq ans plus tard,
faisant son service militaire à Valence,
il s'aperçut également que sa particularité,
car il pouvait également "inspirer" de l'air dans son tube digestif,
pouvait faire déclencher
le rire instantanément chez ses camarades
qui, naturellement,
lui demandèrent de répéter ses prestations
dans les cafés des environs.
Puis il retourna à la vie civile,
devint boulanger,
et se maria en 1883,
tout en s'adonnant dans ses temps libres au chant
car, disait-on, il avait une très belle voix.
Vers 1887, poussé par ses nouveaux camarades,
il faisait alors partie d'un groupe d'artistes amateurs,
il développa un petit numéro au cours duquel son talent fut mis en évidence.
Le succès fut immédiat.
De la petite salle où il se produisait à Marseille,
il fit quelques tournées dans les environs.
Il montait sur scène
vêtu d'un magnifique costume de velours rouge
découpé à l'endroit de son instrument.
Et, comme il fut vite submergé par les demandes,
il abandonna son métier de boulanger
pour se consacrer dorénavant à sa vie d'artiste.
En 1892, il monte à Paris
et est engagé au Moulin Rouge.
" Le pétomane, le seul artiste qui ne paie pas de droits d'auteur ",
disait l'affiche.
Le Tout-Paris accourt pour écouter le pétomane.
Selon le degré de tension de l'anus
(ça c'est un peu technique),
il produisait des bruits et des timbres variés: ténor, basse, baryton
et imitait divers instruments: contrebasse, tambour, violon
(il excellait sur le plan des percussions).
Joseph Pujol pouvait péter fortement de 10 à 12 fois d'affilée
et même produire un son pendant 10 à 15 secondes
Parmi ses plus célèbres imitations,
il produisait le pet de petite fille, de jeune fille,
de belle-mère, de mariée le soir de ses noces,
et de la même mariée le lendemain de ses noces.
Il imitait aussi le déchirement d'une pièce d'étoffe,
le son du canon et le bruit du tonnerre.
Plus étonnant encore,
il réussissait à produire des mélodies
telles que "Au clair de la lune" ou "Le bon roi Dagobert".
Mais le moment fort de son spectacle,
c'était lorsqu'il introduisait un tube dans son anus avec,
à l'autre extrémité une cigarette qu'il fumait.
Et il terminait son spectacle
en soufflant les becs de gaz de l'avant-scène.
car il pouvait aussi éteindre une bougie
à 30 centimètres de distance.
On savait s'amuser à l'époque.
Il était courant de voir des femmes s'évanouir dans la salle,
non pas à cause de l'odeur,
mais de rire, étouffées dans leur corset!
Ça doit être un truc de fille, le pétomane.
En 1894, il décide de voler de ses propres ailes et,
abandonnant le Moulin Rouge (ce qui lui valut un procès),
il ouvre son propre théâtre, le Pompadour.
À partir de 1895, il se produit partout en France et à l'étranger,
en Belgique, en Espagne et en Afrique du Nord.
En 1900, il est au sommet de sa popularité,
popularité qui durera jusqu'en 1914
où des bruits de canon
commencèrent à lui faire concurrence.
Il décide alors de se retirer, vivant paisiblement jusqu'en 1945.
À son décès, sa famille refusera que la faculté de Médecine
explore les particularités de son anatomie.
*
Et maintenant,
notre page poétique.
Un poème hommage au pétomane
de Raoul Ponchon
en 1892
Rentrée du pétomane.
.
Dilettantes de la musique,
O Parisiens de Paris,
Il est rentré l'artiste unique
dont votre coeur est tout épris,
Celui qui, sans ouvrir la bouche
Assez même pour dire zut
Ou laisser passer une mouche,
Pousse cependant de tels ut;
Bref le fin ténor frais et rose
Qui possède une telle voix
Qu'à l'instar d'une rose éclose
Il charme deux sens à la fois.
Le revoici. Longtemps vous fûtes
Très peu rassurés sur son sort:
Vous le crûtes fini; des brutes
Pensèrent à le dire mort.
Certains le disaient en tournée
Avec Schurmann ou bien Gunsbourg,
Tantôt en nouvelle-Guinée
Et tantôt à Saint-Petersbourg;
D'aucuns prétendaient que Silvestre
L'avait adopté pour larbin;
D'autres qu'il était chef d'orchestre
Dans la musique à Béhanzin;
Ceux-ci l'envoyaient vent arrière
Jouir avec tranquillité
- Après sa trop courte carrière -
D'un repos pourtant mérité.
Tous ces bruits - disons-le bien vite -
Etaient des bruits sans fondement:
Il soignait une laryngite
Dans le Midi, tout simplement.
Or, le voilà guéri, le tendre
Et délicat chanteur; bravo!
Et ce soir l'on pourra l'entendre
Dans son répertoire nouveau.
Mais ce qui l'émeut, quoi qu'il fasse
Pour s'en défendre, croyez bien,
C'est de retrouver fesse à face
Son cher public parisien.
- J'ai longtemps parcouru le monde
(Dit-il) qui ne m'a pas compris;
C'est ma conviction profonde
Qu'il n'est public que de Paris. -
Que le pauvre homme se rassure :
Il retrouvera cette fois
Le même succès, car je le jure
Qu'il est plus que jamais en voix.
Une chose me stupéfie
Cependant, c'est que - me dit-on -
Pendant sa longue maladie
Il est devenu baryton.
*
Mais il serait injuste
d'oublier de citer dans cet article
un faux pétomane éminemment talentueux qui,
positionné de façon fort équivoque devant un micro phallique,
faisait gagner un ghetto blaster
au spectateur qui reconnaissait l'air qu'il avait "sifflé".
Je veux parler bien sûr de
MIZOU MIZOU !!!